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Quand l’industrie éolienne remue les écolos

DU JAMAIS VU...

lundi 21 mars 2005, par Webmestre


Même les Renseignements généraux n’avaient jamais vu ça !

Une mobilisation aussi massive de la population : des conseils municipaux suivis par plus de deux cents personnes, une pétition signée par 60 % des inscrits d’une commune, des associations qui surgissent spontanément et réunissent plusieurs centaines de membres en quelques jours, sans compter les discussions, les rumeurs, les articles de presse...

Le projet d’implantation d’éoliennes industrielles sur la communauté de communes du pays de Lumbres (31 communes et 80 000 habitants) qui a semé ce vent de discorde est présenté en 2002 par une filiale de la société allemande Ostwind.

La proposition porte alors sur la construction de 226 éoliennes sur le territoire.

À l’époque, tous les élus de la communauté de communes donnent leur accord pour que le projet soit étudié, sans plus de précisions, sinon un argument financier de choc : les engins pourraient rapporter aux communes jusqu’à 2 millions d’euros de taxe professionnelle. Une aubaine pour cette zone, dont la seule grande entreprise, la cristallerie d’Arc, a annoncé plusieurs milliers de licenciements dans les années à venir.

Taxe professionnelle ou paysage ?

Après que le Parc naturel régional des caps et marais d’opale qui englobe ce territoire a émis un avis sur la localisation la plus adéquate des machines, la proposition se resserre à 26 éoliennes réparties sur quatre communes : 15 sur Quelmes, 5 sur Boisdinghem, 4 sur Zudausques et 2 sur Acquin. En 2004, au fur et à mesure que se diffusent des informations, commencent à pointer des inquiétudes dans une frange de la population et des hésitations du côté des élus. Le premier choc vient de la prise de conscience de l’aspect industriel du projet : « Dans l’esprit des gens, il s’agissait d’éoliennes de style “petite maison dans la prairie” fournissant une énergie de proximité, témoigne Joëlle Ganaye, présidente de l’APNSE (Association de prévention des nuisances et de sauvegarde de l’environnement), l’une des trois associations opposées au projet.

On a découvert le gigantisme et la perspective d’une véritable centrale éolienne avec des machines de 125 mètres de haut, pesant 260 tonnes, avec un socle de 1 000 tonnes en béton. On imaginait déjà les travaux, les convois exceptionnels...

C’était incompatible avec la campagne où nous vivons... »À implantation locale, décision locale...

L’histoire s’emballe lors des premières réunions publiques d’information organisées au début de l’automne sous la houlette du président de la communauté de communes, Gilbert Chiquet, et du responsable de projet en France de la société Ostwind, Bernard Fleuet : tous deux semblent avoir commis la maladresse d’insister surtout sur la manne financière que les éoliennes procureraient aux communes : « La société Ostwind est arrivée en terrain conquis en présentant le projet comme miraculeux du point de vue économique.

Les gens l’ont mal pris, ils ont eu le sentiment qu’on leur imposait le sacrifice de leur environnement pour faire de l’argent », raconte Frédéric Berteloot, journaliste à l’hebdomadaire local L’Indépendant.Éoliennes, chauves-souris et promoteursÀ partir de là, à coups de tracts, de slogans (« Non, aux éoliennes géantes aux portes de nos villages ! »), de pétitions, la mobilisation prend de l’ampleur, alimentée par une argumentation anti-éoliennes parfois fondée mais qui n’échappe pas à l’excès : les éoliennes feraient du bruit, dénatureraient le paysage, brouilleraient la réception des téléviseurs, risqueraient de dévaloriser la valeur des maisons et des terrains, produiraient des effets stroboscopiques (occultation du soleil due au passage des pales), émettraient des infrasons qui peuvent désorienter les chauves-souris (une espèce protégée) et nuiraient à la santé des humains... Des arguments qui s’échauffent au comptoir des bistrots.

Ainsi, Gilbert, 81 ans, explique son opposition aux éoliennes en levant le doigt de celui qui va édicter une vérité : « Moi, je suis amoureux du terroir ! Les éoliennes, ça ne sert à rien, c’est pas ça qui va éviter le nucléaire (1).

Un homme qui vit à 350 mètres d’une éolienne à Foquambergues est venu témoigner : il ne dort plus et son fils n’apprend plus rien à l’école... » Tant et si bien qu’à la mi-octobre, le maire de Zudausques, Noël Monchy, suivi à l’unanimité par son conseil municipal, dit non le premier (2), sur l’intuition qu’il faut couper court à un projet trop mal engagé : « Les éoliennes devaient prendre place au milieu d’un territoire urbanisé où l’on compte près de trois mille habitants dans un rayon de 3 kilomètres.

Le projet n’est pas issu d’une volonté politique des élus ni d’une volonté initiale des gens en faveur des énergies renouvelables, c’est le résultat de la démarche d’un promoteur... »« J’ai dit non à un projet mais pas à une ambition »Qu’un autre maire prenne cette décision aurait sans doute eu moins d’impact mais il se trouve que Noël Monchy, écologiste déclaré, conduit avec son équipe depuis plusieurs mandats une politique perçue comme un modèle de gestion durable : développement des services, création d’un estaminet et d’un « jardin de cocagne » produisant des légumes biologiques et employant une vingtaine de salariés en insertion...

L’incompréhension s’est manifestée aussi bien de la part des élus Verts du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais qui mènent une action volontariste en faveur des éoliennes, que des habitants de la ville proche, Saint-Omer, et même de la part des fidèles collaborateurs du maire.

Beaucoup ont pensé que l’édile avait cédé à la pression d’une partie de la population mue par la défense étriquée d’un « pré carré ». « On a parlé d’une révolte de nantis, commente Marc Lemaire, citoyen de la ville d’à côté. Il y a une tendance des gens qui viennent de la ville à sanctuariser le village où ils s’installent. Et il ne faut pas non plus tomber dans un excès de consultation. » « La violence des associations contre le projet a été telle qu’il a été impossible de développer des arguments pro-éoliens (2), souligne Éric Pallandre, animateur du « jardin de cocagne ».

À se demander si derrière ce combat anti-éolien, il n’y a pas une volonté de donner une leçon aux écolos... » « On ne peut pas dire que tous les gens qui ont signé les pétitions soient sous influence, les opposants ne sont pas des moutons, rétorque Noël Monchy.

Même si la mobilisation s’est développée sur le mode défensif, elle peut rebondir sur quelque chose de constructif.

Je vais proposer aux associations de participer à un comité de pilotage qui au niveau de la communauté de communes travaillera concrètement sur les économies d’énergies et les énergies renouvelables. J’ai dit non à un projet mais pas à une ambition. » Philipe Dewynter, adjoint au maire, est sceptique quant à cette possibilité : « Les gens ont surtout pris conscience qu’en s’unissant ils pouvaient faire capoter une décision.

Je ne suis pas sûr que l’éolien soit leur problème. En revanche, c’est dix ans de perdus pour la région sur le plan énergétique. » L’intérêt général, c’est bien ce qui préoccupe une partie de l’entourage de Noël Monchy, tel Luc Blarel, chercheur au CNRS : « Demain les États auront des contraintes en matière d’énergies renouvelables (3).

Au niveau de la planète, il faut qu’on change des choses et Zudausques avait l’opportunité d’y participer en accueillant quelques éoliennes. » Un argument auquel le maire de la commune n’est pas insensible mais selon lui, « c’est au plan national qu’il faut décider quels territoires ont vocation à accueillir tel ou tel grand type d’énergie. Aux localités ensuite de favoriser la production d’énergies renouvelables de proximité. »« Dans cette affaire, estime Éric Pallandre, il y a eu un gros problème de gouvernance, une absence de pédagogie en amont, mais quand je vois les réactions qui se développent partout ça me rend pessimiste.

Nous pourrons dire que nous nous sommes sortis positivement de cette affaire s’il y a un jour des actions concrètes en faveur des énergies renouvelables à Zudausques. »Des éoliennes autrementJacques Cailliau, ex-responsable des Verts à Saint-Omer, apporte au débat une vision distanciée : « L’idée des éoliennes est fantastique : produire de l’énergie en utilisant la nature et sans déchets.

Mais la campagne n’est peut-être pas le bon endroit pour les concentrer. Enfant, je rêvais de voir des éoliennes sur les collines de Widehem, mon rêve s’est réalisé : quelques-unes y sont aujourd’hui alignées, à 3 kilomètres de la mer. Malgré leur aspect monumental, elles remportent l’adhésion de tout le monde, comme un point de repère. Peut-être en est-on seulement au début de l’intégration de ces objets dans notre réalité visuelle. »

(1) On estime qu’il faudrait plus de 5 000 éoliennes pour remplacer une centrale comme celle de Gravelines d’une puissance de 5 400 mégawatts(2)

Une association pro-éolienne Énergie verte a toutefois vu le jour en janvier 2005.(3) Pour participer à la lutte contre l’effet de serre et suite aux accords de Kyoto, la France s’est engagée à ce que, d’ici dix ans, 20 % de son énergie produite soit renouvelable. Quand on sait que 17 % de l’énergie produite est hydraulique, augmenter de 3 % en dix ans les énergies renouvelables ne relève pas de la prouesse !EncadréLe projet éolien en pays de Lumbres en quelques dates ;

Printemps 2002 :

La communauté de communes du pays de Lumbres est informée d’une proposition de la société Ostwind qui porte sur l’implantation de 226 éoliennes sur son territoire. Les élus demandent une mise en concurrence de plusieurs opérateurs.

Printemps 2003 :

Parmi les projets de quatre entreprises, les élus choisissent finalement celui d’Ostwind qui ne prévoit plus que 70 éoliennes.

Fin 2003 :

Le Parc régional des caps et marais d’opale élabore un schéma territorial éolien qui détermine les endroits les moins fragiles où l’implantation d’éoliennes est envisageable.

Début 2004 :

Après avoir pris connaissance de ce schéma territorial, Ostwind retient 4 communes pour l’implantation de 26 éoliennes.

Septembre 2004 :

- Des réunions d’information ont lieu dans les quatre communes retenues.- Une nouvelle association opposée aux éoliennes industrielles, l’APNSE (Association de prévention des nuisances et de sauvegarde de l’environnement) est créée, qui, avec l’APM (Association du patrimoine de Moringhem) et l’Ade 62 (Association de défense de l’environnement), fait circuler parmi la population une pétition contre le projet.

Octobre 2004 :

La mairie de Zudausques refuse le projet.Décembre 2004 : La commune de Boisdinghem décline à son tour la proposition.

Janvier 2004 :

La commune de Quelmes s’oppose aussi au projet.Fin janvier 2005 :- La commune d’Acquin, sur laquelle l’implantation de deux éoliennes seulement était envisagée, ne s’est pas prononcée. Le responsable en France de la société Ostwind laisse planer le doute sur sa volonté de poursuivre le projet, sachant que les décisions d’octroi de permis de construire appartiennent au préfet et que celui-ci s’oppose rarement aux volontés des communes...- Le maire de Zudausques, Noël Monchy, présente à son conseil municipal puis à la communauté de communes un projet alternatif pour les économies d’énergie et les énergies renouvelables de proximité.


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